3E RENCONTRES DU RESEAU EUNA

3èmes Rencontres du réseau Etudes Urbaines Nord-Américaines à l’Université Paris Nanterre

 

Comité de pilotage

Réseau Etudes urbaines nord-américaines (EUNA)

Martin LAMOTTE (Laboratoire d’Anthropologie Sociale, UMRS 7130)
Sonia LEHMAN-FRISCH (Laboratoire Mosaïques/LAVUE, UMR 7218)
Pascale NEDELEC (UMR CREDA / Membre associé IRG, UMR 5600)
Charlotte RECOQUILLON (Institut Français de Géopolitique)
Matthieu SCHORUNG (Laboratoire Ville Mobilité Transport, UMR-T 9403)

La thèse de doctorat propose un nouveau regard sur la ville nouvelle de la seconde moitié du XXe siècle à nos jours au travers des aspects théoriques, politiques et architecturaux qui l’ont façonnée. J’explore comment les “modèles” se déplacent d’un pays à l’autre, d’une culture à l’autreet comment ils sont accueillis, modi és et adaptés. L’objectif de cette thèse est de faire la lumièresur les réseaux internationaux qui existaient à l’époque, sur les échanges et les dynamiques professionnels.

Au travers de ma thèse, sur les villes nouvelles étudiées au prisme des transferts de modèles urbains, je revisite dans une perspective transculturelle l’histoire de la formation des new communities américaines et européennes et notamment françaises aussi appelées villes nouvelles. Je tente de donner une nouvelle approche de la formation, de l’évolution morphologique et urbaine de la ville et d’expliquer leur évolution urbaine autour de nouveaux paradigmes urbains.

Dans le cadre de cette recherche transnationale dans la mise en œuvre de villes nouvelles aux États-Unis et en Europe, j’étudie principalement plusieurs cas de villes nouvelles situées de part et d’autre de l’Atlantique. Le cas de deux New Communities américaines : Reston, située dans l’État de Virginie et fondée par Robert E. Simon en 1961 et Columbia située dans l’État du Maryland et fondée par James W. Rouse en 1964. Puis Cergy-Pontoise située dans le département de l’Oise en France et un cas en Finlande à Tapiola, petite ville nouvelle fondée par Heikki Von Hertzen en 1951.

Reston et Columbia sont nés de la vision utopique de leurs deux fondateurs idéalistes, innovateurset ambitieux, qui partagent des objectifs sociaux et urbains audacieux. À la n des années 1960,aux États-Unis et en Europe, le concept d’une nouvelle communauté répondait à l’isolement du logement en banlieue et prescrivait un nouveau type de vie urbaine. Reston et Columbia rompirent avec le modèle traditionnel de la métropole en suggérant une ville moins imposante, plus humaine et plus verte. Ces villes engloberaient également des possibilités d’emploi et, au lieu de la ségrégation, favoriseraient la diversité raciale et socioéconomique, ce qui suggérerait de nouveaux programmes et de nouvelles méthodes de modernisation du logement.

Le concept de la ville nouvelle, à la n des années 1960, esquisse un nouveau genre de vieurbaine. Les missions d’aménagement des villes nouvelles visent à répondre au malaise des grands ensembles et à l’isolement de l’habitat pavillonnaire. La ville nouvelle rompt avec le modèle traditionnel de la grande ville pour lui substituer une ville qui se veut moins imposante, plus humaine et plus verte. De ce point de vue, elle vise une forme d’exemplarité en matière de qualité de vie. L’ambition des villes nouvelles était d’ordres économique et social. Elles devaient êtredes bassins de recrutement, et créer des foyers d’emplois aux pro ls économiques diversi és, etvaloriser la coexistence de catégories sociales distinctes. En choisissant la mixité de peuplement, les urbanistes s’inscrivaient dans une logique de modernisation de l’habitat et se distinguent du caractère habituellement ségrégatif des villes. Chacune des villes étudiées dans le cadre de cette thèse devient alors, une forme de laboratoire cherchant à s’extraire de l’expérience précédente tout en évitant les écueils passés.

Aujourd’hui ces villes nouvelles, aux États-Unis comme en Europe retrouvent un regains d’intérêts par les politiques publiques et des chercheurs qui entreprennent de nouveaux à explorer ces nouvelles communautés, tant par leurs aspects novateurs de leurs architectures et de leur urbanisme que pour le message d’intégration socio-économique et raciale.

Mon hypothèse est qu’il y a eu des transferts de modèles urbains entre l’Europe et les Etats-Unis, que je vais analyser à travers des méthodes éprouvées d’histoire interculturelles. Pour analyser le fonctionnement de ces réseaux et de leurs parties prenantes, je propose d’étudier quatre études de cas: deux villes nouvelles aux États-Unis, Reston et Columbia, toutes deux situées à Washington D. C.

En plus de la longue période de fondation des grandes villes de la côte Est, par exemple Boston, New York et Washington, deux périodes ont joué un rôle important dans le développement des villes américaines. Ces périodes peuvent être considérées comme deux moments clés du développement socio-politique et économique de la société américaine. Tout d’abord, le New Deal, qui a vu le grand mouvement de création de nouvelles villes principalement situées surla côte Est. Deuxièmement, à la n de la Seconde Guerre mondiale, au début des années 60,le développement de treize nouvelles villes a été soutenu par une aide fédérale sous la forme d’une “nouvelle loi communautaire”. Cette politique économique et urbaine unique dans l’histoire des Etats-Unis a été interrompue par la première crise énergétique au milieu des années 1970.Cependant, la création de communautés plani ées s’est poursuivie jusqu’ à maintenant. Cesnouvelles villes s’inspirent toutes d’exemples antérieurs, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, avec la Grande-Bretagne en tête.

Historique et contexte :

Les villes nouvelles ne sont pas une production urbaine récente. Elles sont le produit de phénomènes urbains apparus tout au long des étapes de l’évolution de l’histoire urbaine, comme une alternative aux autres formes de villes. Né avec la révolution industrielle, ce phénomène a suscité une très grande attention dans les recherches d’histoire de la ville et les théories urbainesà partir de la n du XIXe siècle. Ainsi, le terme de « ville nouvelle » en France, ou de New Town dans le monde anglophone, s’est imposé dans le milieu de la recherche en tant que dé nitiongénérale de ce phénomène. Or, comme le reconnaissent Pierre Merlin et Claude Chaline dans leurs ouvrages respectifs sur les villes nouvelles, cette notion est ambiguë, car tout au long de l’histoire de la production de ce phénomène urbain on rencontre peu d’exemples similaires entre les différentes conceptions urbaines à travers le monde. Ces différences sont généralement d’ordre urbanistique : taille des villes, groupement, localisation, aménagement interne, types d’habitat prédominant, classes de population, nature du maître d’ouvrage. Mais plus encore, c’est la diversité des objectifs et des principes qui ont présidé à la conception de ces villes nouvelles qui est surprenante. Bien qu’il puisse y avoir des volontés publiques ou privées, ainsi que des

contextes politiques et socio-économiques différents, les modèles et les concepts s’échangent et se nourrissent des expériences urbaines et conceptuelles plus ou moins abouties de chaque côté de l’atlantique. Comme Claude Chaline l’écrit dans son ouvrage « Les villes nouvelles dans le monde » (1985) :

« […] par delà sa dimension strictement urbaine, le thème de la ville nouvelle révèle une grande richesse conceptuelle. Il est un bon révélateur des idéologies dominant une société, il éclaire les types de relations existant entre le pouvoir et les citoyens usagers, il atteste des options lourdes prises en matière de modèle de développement économique et social ».

Aujourd’hui, des milliers d’agglomérations à travers le monde peuvent se dé nir comme nouvelles si l’on s’en tient au cadre strict de la dé nition largement répandue tout au long duXXe siècle. Cette caractérisation se joue sur deux conditions, soit du fait qu’elles n’existaient pas auparavant, soit que la mutation qui les a affectées atteigne une telle ampleur que rien ne subsiste du passé. Par ailleurs, historiquement et majoritairement, les villes nouvelles ont très souvent étéune affaire d’État comme en France ou des pays à l’économie plani ée comme les pays de l’ex-URSS. Au contraire, aux États-Unis, l’anecdotique engagement des pouvoirs publics en matièred’urbanisation ne signi e pas l’absence totale de villes nouvelles.

Bien que le phénomène de suburbanisation aux États-Unis et en Europe ait pris unessor important dès la n de la Seconde Guerre mondiale, c’est aussi à cette période que desexpériences urbaines issues largement d’initiatives privées aux États-Unis ont été mises en œuvre pour répondre aux nombreuses critiques faites au phénomène de l’étalement urbain et notamment au développement des grands ensembles.

Ces villes nouvelles se trouvent alors sur une double perspective. Entre un processus de protection globale de son passé tant par les idéaux qui furent projetés sur elles que leur architecture et leur urbanisme à l’image de ses devancières du début du XXe siècle aux États-Unis et en Europe. Et leur développement économique et urbain à travers de nouveaux programmes architecturaux et urbains ambitieux qui ne vient plus seulement s’inscrire autour des ses villes nouvelles, mais s’intégrer directement en leur sein. Pour mieux comprendre les cheminements de la pensée urbaine et son empreinte sur le territoire urbain depuis les entrepreneurs utopistes du XIXe siècle, aux mouvements du nouvel urbanisme, en passant par le mouvement moderne dominé par les CIAM et le post-modernisme.

Une recherche transnationale en cours, autour des quatre identités centrales de ces nouvelles urbanités que sont : L’école, comme élément fondamental de la communauté nouvelle tant par sa situation au sein de la ville que par son architecture, à la fois vectrice d’innovations et initiateur d’une nouvelle société. Le centre commercial, au cœur de la vie communautaire et de son économie, sa place est majeure tant du point de vue urbain que socio économique et connais depuis les années cinquante, de profonde transformation tant du point de vue des usages que par son architecture. L’unité de voisinage, concept d’urbanisme développé au cours des années trente par Clarence Perry souvent indissociable de l’école et du centre commercial, qui est sont à la fois les pivots géographiques et sociaux économiques. Un concept qui bien qu’ayant connude nombreuses évolutions ces dernières décennies, est encore au centre de la ré exion urbaine et le développement de ces nouvelles communautés. En n à une tout autre échelle, celui del’organisation urbaine, morphologique et architecturale du paysage urbain (Urban design) et son environnement naturel dont le plan d’eau, serait au centre.

EUNA _ Programme 2018