Post publié en décembre 2012 sur mon ancien Blog
J’ai toujours beaucoup aimé ce que faisait Hopper. Je l’ai connu d’abord par son célèbre tableau, NightHawks. Quand m’est venu l’âge d’aller voir par moi même ce qui avait pu me fasciner chez ce peintre fabuleux, j’ai découvert bien d’autres œuvres toutes plus incroyables les unes que les autres. Mais cela ne m’avait toujours pas permis de mettre le doigt sur ce qui pouvait vraiment me fasciner. Ainsi, Hopper m’intriguait et m’intrigue encore. Avec cette exposition au grand Palais, je comptais bien comprendre l’artiste et son œuvre ainsi que la source de mon ressenti. J’appréhendais pas mal ce que j’allais voir c’est vrai, car j’avais tellement vu de choses sur le peintre américain, mais aussi tellement peu ou plutôt, tellement les mêmes choses. Avec toujours cette impression de cataloguer un artiste par les 3 ou 4 œuvres qui ont fait sa renommée alors qu’il y a certainement tellement d’autres choses à découvrir. Cela en est frustrant, car c’est comme vouloir cataloguer le génie de Léonard de Vinci par sa seule Joconde. Trop facile, trop bête ! Un refus catégorique s’est produit dans mon esprit et ne m’a plus quitté pendant toute l’exposition.
Une exposition que je pourrais d’ailleurs résumer en deux adjectifs : fascinant et merveilleux.
Après des semaines d’exposition, je prends enfin le temps d’aller y faire un tour. Le temps était compté avant la fin de cet événement, c’est vrai et ça motive. La perspective d’une file d’attente interminable m’avait largement refroidi, mais le billet électronique m’a grandement rassuré.
Arrivé au Grand Palais, construit pour l’exposition universelle de 1900, on entre alors dans une exposition à la scénographie sobre et particulièrement bien pensée. Des tons clairs et tantôt, sombre suivant les tableaux exposés et la thématique abordée. On retrouve une succession de grands couloirs baignés d’une douce lumière où s’égrainent des petites salles et l’on retrouve certaines de ses œuvres particulières (Aquarelles et gravures…). Des « entractes » savamment disposés sur le parcours font comme des respirations dans la visite et c’est plutôt bien vu. On y retrouve des documents vidéos et des diaporamas offrant un autre regard sur l’artiste, plus dynamique et original. Ce sont des espaces larges et ouverts exposant des œuvres diverses ayant toujours un lien avec Hopper, soit dans l’œuvre ou bien dans l’héritage. Avec, l’artiste Philip-Lorca Dicorcia par exemple, ce dernier rappelle à sa manière et par la photographie les travaux de Hopper. Mais aussi au travers de la photographie de Atget et de Bardy dans d’autres espaces de l’exposition. Pour l’un c’est un héritage est pour les autres c’est une forme de lègue, d’inspiration artistique pour le fameux peintre. En clair, cette exposition, c’est la découverte à chaque détour bien que rien ne semble laissé au hasard et sans réelle fausse note.
Ce qui frappe d’abord dans cette exposition, c’est la mise en contexte des œuvres de Hopper. Ces dernières côtoient d’autres artistes peintres et photographes qui ont été ses contemporains, souvent ses sources d’inspirations (le photographe Atget et B. Brady, les peintres Pissaro, Marquet, Vallotton, Sickert, Degas, Belows et Sloan…). Tout est présenté de manière totalement fluide, pour ne pas dire naturelle, on comprend tout de suite les apports de chacun dans la production artistique de Hopper. On n’est jamais perdu et l’on se surprend à comprendre les liens qui se tissent entre les artistes.
J’avoue et je l’ai fait exprès, je n’ai pas voulu lire quoique ce soit sur l’artiste et sur son œuvre avant d’aller voir l’exposition. Bien sûr j’ai lu pas mal de choses sur Hopper ces dernières années, mais je ne voulais pas que mes impressions, mes réflexions soient polluées par les avis et les explications de telle ou telle œuvre de Hopper. Alors, il est vraisemblable que ce que j’expose aujourd’hui dans cet article puisse paraitre d’une grande naïveté vis-à-vis de l’artiste, mais c’est surtout pour rester au plus près du ressenti et de ma propre réflexion.
Hopper est un artiste ambigu, une ambiguïté que l’on retrouve par ses œuvres. Sa production artistique est foisonnante et diverse. Il en ressort toujours une grande luminosité, cette extraordinaire capacité à exposer la lumière de la nuit urbaine et les ombres est totalement subjuguante (Coup de cœur pour le light House Hill de 1927). Quelle lumière ! Parfois, ces couleurs, ces lumières paraissent surréalistes comme avec le tableau « portrait d’Orléans » peint en 1950.
On reconnaît l’importance de ses périodes d’illustrateur de magazine et de graveur sur ses peintures. C’est un incroyable travail de composition. Un travail presque photographique. Il ne cherche pas à cacher la réalité parfois triste et morbide des lieux qu’il peint. Il semble prendre plaisir à présenter la réalité de manière quasi chirurgicale. On retrouve cette sensibilité au travers de ses peintures où il reproduit le quotidien de gens, comme un instant photographique. Il y a un côté voyeur dans certaines de ses peintures. C’est toujours contemplatif, mais ça ne respire pas souvent le bonheur, c’est la tristesse et la solitude absolue dans la ville qui contraste nettement avec ses scènes lumineuses et mouvantes de bord de mer. Malgré ses peintures qui donnent une « impression statique, d’immobilisme et parfois comme l’attente inexorable de la mort, ses personnages semblent en mouvement comme “Girlie show” par exemple.
C’est un peu un hymne à l’oubli. Un hymne à la province, qui lui semble heureuse et lumineuse, à quelques exceptions près.
On retrouve dans la dernière salle, le fameux Night Hawks. Bien évidemment, c’est le clou de l’exposition. Heureusement, elle ne tient pas une place trop importante puisqu’elle partage l’espace avec d’autres œuvres tout aussi importantes et connues du peintre. D’une certaine façon, c’est appréciable. C’est peut-être la “Joconde” de l’artiste, mais ça serait faire peu de cas de l’ensemble de la production exceptionnelle de l’auteur.
Ce n’est pas l’œuvre que je préfère chez le peintre américain, ma préférence va pour le Light House Hill peint vingt ans plus tôt, et ses aquarelles de Gloucester qui lui apporteront d’ailleurs la reconnaissance.
Pour finir, l’un des tableaux qui m’a laissé le plus circonspect, mais qui m’a peut-être le plus fasciné est “Sun in an Empty Room”, peint en 1963. Comme son nom l’indique, c’est un rayon du soleil qui entre dans une pièce vide par une fenêtre. Incroyable et hypnotique.
Bien que je ne comprenne toujours pas ce qui a poussé Hopper à faire telle ou telle peinture. Je sais que pour moi c’est ce qui fait tout le mystère et le succès de ce peintre. Parfois l’aspect insignifiant de la scène porté aux nues par l’excellence artistique de l’artiste.
Pour plus d’information sur l’exposition :
Images des peintures :