Le pont sur la corne d’or doit unir deux forteresses, c’est un pont royal, un pont qui, de deux rives que tout oppose, fabriquera une ville immense. Le dessin de Léonard de Vinci est ingénieux. Le dessin de Léonard de Vinci est si novateur qu’il effraie. Le dessin de Léonard de Vinci n’a aucun intérêt, car il ne pense ni au sultan, ni à la ville, ni à la forteresse. D’instinct, Michael Ange sait qu’il ira bien plus loin, qu’il réussira, parce qu’il a vu Constantinople, parce qu’il a compris que l’ouvrage qu’on lui demande n’est pas une passerelle vertigineuse, mais le ciment d’une cité, de la cité des empereurs et des sultans. Un pont militaire, un pont commercial, un pont religieux.
Un pont politique.
Un morceau d’urbanité.
Extrait de l’excellent roman de Mathias ENARD : “Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants” publié aux éditions Babel en 2010.